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4 novembre 2009

au revoir Monsieur

Au_revoir_Monsieur OPALE

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Voici un post écrit par mon A.avec qui je partage ce triste sentiment de voir cette flamme s'éteindre nous laissant un peu plus dans l'obscurité de ce monde de plus en plus abject.

La disparition d’un homme qui a vécu un siècle ne devrait pas susciter une amère tristesse. Et pourtant la mort de Claude Lévi-Strauss résonne en moi quand le bruit d’un rempart supplémentaire s’effondrant sous la poussée des barbares. Lévi-Strauss, décrivant le monde amazonien, avait écrit que là-bas “le barbare était d’abord celui pour qui il y avait des barbares”. Belle formulation… mais antérieure à l’irruption de l’homme occidental en pays d’eldorado. Ou plutôt d’Homo capitalisticus, dont l’avidité morbide est plus profonde que la plus impénétrable des selvas.

Claude Lévi-Strauss n’aimait pas le monde dit moderne et avait la saudade des sociétés premières et policées.

À l’heure où des hommes chassent d’autres hommes dans des jungles plus septentrionales, j’aime à relire ces phrases :

“C’est maintenant […] qu’exposant les tares d’un humanisme décidément incapable de fonder chez l’homme l’exercice de la vertu, la pensée de Rousseau peut nous aider à rejeter l’illusion dont nous sommes, hélas ! en mesure d’observer en nous-mêmes et sur nous-mêmes les funestes effets. Car n’est-ce pas le mythe de la dignité exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer à la nature elle-même une première mutilation, dont devaient inévitablement s’ensuivre d’autres mutilations ? On a commencé par couper l’homme de la nature, et par le constituer en règne souverain; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu’il est d’abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus. Jamais mieux qu’au terme des quatre derniers siècles de son histoire l’homme occidental ne put-il comprendre qu’en s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité, en accordant à l’une tout ce qu’il retirait à l’autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d’autres hommes, et à revendiquer au profit de minorités toujours plus restreintes le privilège d’un humanisme corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l’amour-propre son principe et sa notion.”

Claude-Lévi-Strauss (“Anthropologie structurale”)

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